Nathan Grunsweigh
(Cracovie 1880 – Paris 1956)
Nathan Grunsweigh né Grunzweig est un peintre juif polonais de l’École de Paris.
Il nait en 1880 à Cracovie, alors sous domination de l’Empire Austro-Hongrois. En 1893, sa famille déménage à Anvers où son père est marchand de diamants. Le jeune Nathan Grunzweig est inscrit aux cours de dessin et de peinture de l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers.
Nathan Grunsweigh arrive à Paris vers 1908. Il se marie avec Fanny Edinger et de cette union naîtront trois enfants : David, Adeline Rebecca et Daniel. Avant la Première Guerre mondiale, Nathan Grunsweigh fréquente les artistes russes de Montparnasse tels que Chaïm Soutine, Michel Kikoïne ou encore Pinchus Krémègne.
Avant la Première Guerre mondiale Nathan Grunsweigh fréquente les artistes russes de Montparnasse tels que Moïse Kisling, Chaïm Soutine, Michel Kikoïne ou encore Pinchus Krémègne.
Nathan Grunsweigh s’installe avec sa famille au Vésinet en 1921, ville de villégiature des Parisiens et des étrangers. En 1922, il s’installe dans une maison au 3, avenue Sainte-Marie. Puis, en 1934, le peintre déménage avec sa famille à Saint-Mandé au 14, rue de l’Amiral-Courbet.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il échappe à la déportation. Il meurt à Paris le 8 janvier 1956 et est inhumé au cimetière de Montparnasse.
Il est à noter que certaines périodes de la vie du peintre nous sont inconnues, faute d’éléments biographiques.
Un art en perpétuelle évolution
Nathan Grunsweigh est un peintre de natures mortes, de portraits, de scènes de genre et de paysages. Il s’attache à rendre avec précision les détails des rues, des villes et des campagnes d’une manière très personnelle et reconnaissable. L’artiste est un excellent coloriste, il révèle avec poésie les effets de la lumière et de l’atmosphère environnante. Il manifeste une profonde habileté à traduire picturalement des harmonies de couleurs froides, liant les tons verts, bleus, et gris ou, à l’inverse, des harmonies de couleurs chaudes, combinant le jaune, l’orange, le rouge et le rose. Il applique la couleur soit au pinceau soit au couteau, sur des supports tels que la toile, le carton ou le panneau de bois.
Nathan Grunsweigh montre au cours de sa carrière une capacité inouïe à renouveler et à faire évoluer son style. Toutefois, la couleur, le travail de la composition, de la ligne et de la perspective sont les piliers de son art qui traverse les époques et confèrent à son œuvre cette expression si particulière. Depuis l’œuvre la plus précoce que nous connaissons datant de 1916¹ jusqu’à celles des dernières années vers 1950, le peintre ne cesse de se réinventer stylistiquement.
Son style peut se caractériser tantôt par une touche pointilliste, tantôt par un pinceau rapide, vif, porté de couleurs fauves (tableau n°12). Le peintre peut montrer un certain lyrisme et une certaine minutie dans l’exécution du tracé des rues et de l’architecture (tableau n° 1) ou bien poser des formes sur un fond marron foncé préparé vigoureusement (tableau n° 13). Il manie ainsi le pinceau et le couteau. De nombreuses toiles montrent l’utilisation parfois même des deux techniques à la fois.
Gustave Kahn mentionne la peinture de Grunsweigh en perpétuelle évolution dans sa critique de l’exposition à la galerie Pierre en 1925 : « C’est un artiste dont le vigoureux développement est incessant, l’évolution très franche, en dehors de la mode »².
Le peintre des rues de Paris et de ses alentours
De nombreux artistes paysagistes s’attachent à peindre les rues de Paris et de sa banlieue au début du XXe siècle. Nathan Grunsweigh est fasciné par le peintre français Maurice Utrillo, qui a su traduire le pittoresque des rues de Paris et de Montmartre. D’autres peintres tels que Vlaminck, Antral, Balande, Quizet ou Oguiss manifestent également ce goût pour la peinture des rues de Paris et de sa région. Nathan Grunsweigh a retenu les leçons des peintres impressionnistes, les routes sont telles des diagonales qui percent la toile et la perspective. Il représente également couramment les sols baignés d’ombre colorée.
Nathan Grunsweigh réalise de nombreuses vues de Paris, notamment de Montmartre, du quartier République, du Marais, de Notre-Dame de Paris.
À partir de 1921, l’artiste s’installe au Vésinet. Il immortalise ses rues et ses habitants, ses places et ses carrefours, ses commerces, ses maisons, ses villas, ses jardins, ses parcs, ses lacs et ses rivières (tableau n° 2).
L’artiste arpente également inlassablement l’Île de France et pose son chevalet dans de nombreuses villes telles que Charenton, Arpajon (tableau n° 3), Le Vésinet, le Pecq, Chatou, Croissy, Saint-Germain-en-Laye (tableau n° 15), Vaucresson (tableau n°12), Épernon, Rueil-Malmaison, Nanterre, Asnières, Bougival, Saint-Mandé, Montreuil, Colombes ou encore Saint-Mandé où il s’installe dès 1929. Il y extrait picturalement l’essence de la ville, son animation, ses fêtes, ses monuments, ses rues animées ou bien esseulées, ses commerces et leurs fameuses enseignes et autres publicités pour le tabac, le vin ou pour la bière Karcher.
Ses paysages urbains et ruraux représentent la majorité de sa production. Sur 37 tableaux envoyés au Salon des Tuileries de 1923 à 1945, 25 représentent des paysages de Paris et de sa banlieue. Sur 57 envois au Salon d’Automne de 1921 à 1945, 27 sont des paysages de Paris et de sa région.
Ses paysages de Paris et de ses environs font la renommée de Nathan Grunsweigh de son vivant. Ce sont encore aujourd’hui ces mêmes paysages urbains et ruraux qui animent la curiosité et charment la sensibilité du spectateur. Qu’elles soient atypiques, animées, vides, bordées de façades éclectiques, donnant sur des carrefours, annonçant un virage ou une pente, grises ou colorées, menant vers un clocher, une gare, une maison ou bien un parc, les rues de Nathan Grunsweigh annoncent toujours un voyage, une invitation à le suivre au gré de ses pérégrinations.
Les œuvres de Nathan Grunsweigh peuvent être considérées comme des documents historiques qui témoignent de la morphologie urbaine d’antan. Le tableau n°8 « Place de l’église au Vésinet » révèle un restaurant qui existe encore aujourd’hui. Toutefois, la place est aujourd’hui remplacée par un parking.
Les personnages et les objets de Nathan Grunsweigh
De nombreux personnages peuplent les tableaux du peintre. Ces personnages sont des habitants qui se rendent au travail ou bien qui se promènent et flânent dans les rues. L’artiste dépeint la vie locale des villes. Il n’est pas rare de retrouver des personnages installés à la terrasse d’un restaurant en train de discuter. De manière générale, il n’est pas possible d’identifier les personnages visibles dans ses œuvres. Ce sont des effigies qui révèlent l’âme et la vie d’une ville.
« Le facteur du Vésinet » est un des rares tableaux représentant une personnalité identifiée du Vésinet (tableau n°11). Dans cet original et amusant tableau, le facteur tient dans sa main le courrier qu’il va remettre au peintre. L’artiste portraiture son facteur dans l’avenue qui mène à son domicile et le mentionne de manière manuscrite à droite : « Avenue Sainte Marie ». Nathan Grunsweigh envoi cette œuvre au Salon d’Automne de 1927.
L’artiste affectionne également représenter les membres de sa famille. Sa fille, Adeline Rebecca, est un de ses modèles privilégiés. Il envoie notamment au Salon d’Automne de 1925 une œuvre qui dépeint sa fille dans le salon de sa maison atelier du Vésinet au 3, avenue Sainte Marie. Nathan Grunsweigh représente vers 1925, au Vésinet, sa fille vêtue d’une robe noire, (tableau n° 8).
D’autre part, le peintre manifeste un goût prononcé pour la peinture de natures mortes. Il dépeint des fruits, des légumes, des poissons ou des fleurs couramment posés sur une table. L’artiste apprécie également immortaliser les objets du quotidien, tels que des chaussures, des bouteilles, des boites alimentaires, et sa pipe. Nous présentons ici une nature morte cézanienne datant des années 1930, aux bouteilles de Cognac, de Cinzano et à la pipe du peintre, (tableau n°13). Une intéressante composition représentant le matériel d’un poilu, composé d’un masque à gaz et de son étui est également présentée (tableau n° 6).
Nathan Grunsweigh vu par la critique
Nathan Grunsweigh compte parmi ses fidèles défenseurs des critiques d’art de renom. Gustave Kahn a très vite décelé le talent du jeune artiste polonais. C’est un poète symboliste et critique d’art français qui est un temps le directeur de la revue « La Vogue » et joua un rôle clé dans « La Revue Indépendante » ou le « Mercure de France ».
Au début des années 1920, Gustave Kahn s’intéresse particulièrement à la culture juive. Son travail littéraire présenté dans les différents organes de presse soutient le travail de Nathan Grunsweigh et celui de nombreux peintres de l’École de Paris. Gustave Khan préside en 1924 l’exposition des peintres juifs au cercle des israélites saloniciens de Paris. Cette exposition vise à promouvoir l’œuvre de jeunes artistes de confession juive avec des envois portant sur la culture et l’histoire juive. Grunsweigh y présente un tableau représentant des fidèles dans une synagogue. Alice Halicka, Mané-Katz, Jules Adler, Naoum Aronson et Lévy Dhurmer sont également comptés au nombre des exposants. Gustave Kahn déclare « Cette exposition, prouve la vitalité et la beauté, de l’effort d’art actuel des Israélites. Une réunion d’œuvres telle que celle-ci est bien faite pour nous en donner pleine conscience et nous en inspirer un légitime orgueil »³.
Gustave Kahn célèbre également l’œuvre de Nathan Grunsweigh dans la rubrique Beaux-Arts de la presse quotidienne. Il s’attache à mentionner la participation du peintre aux différents salons ou expositions et de décrire son œuvre. Ses formules sont parfois laconiques mais élogieuses, comme en témoigne le compte rendu du Salon des Tuileries de 1924 : « Grunsweigh, d’excellents paysages d’un art sobre et ferme »⁴. Le critique cité également d’autres peintres tels Albert Gleizes, André Favory, Maurice de Vlaminck, Henry de Waroquier et des peintres de l’École de Paris tels Adolphe Feder, Henri Hayden ou encore Jean Peské.
Dans le compte rendu du Salon des Tuileries de 1926, Gustave Kahn évoque aimablement l’œuvre de son ami peintre : « Grunsweigh peint avec amour la banlieue de Paris et donne tout le caractère des petites rues à jardinet »⁵. Il mentionne également dans sa critique des artistes tels que Simon Mondzain, Georges Kars, Marc Chagall, Mane Katz, Akira Tanaka, Charles Kvapil, Zofia Piramowicz, Irene Reno, Adolphe Feder, André Lhote ou encore Albert Gleizes.
En 1925, Gustave Kahn consacre un important chapitre littéraire consacré à Nathan Grunsweigh dans la rubrique « Art » du quotidien le « Mercure de France » portant sur son exposition personnelle à la galerie Pierre. Il écrit :
« Grunsweigh expose une vingtaine de paysages de banlieues parisiennes et des natures mortes. C’est un artiste sincère, consciencieux et savant. Il s’est démontré excellent peintre de figures. Puis il a été séduit par des aspects de banlieues parisienne et il a ajouté une note inédite à la peinture des zones suburbaines. Tandis que les peintres parisiens sont surtout soucieux d’en donner, d’après Raffaelli, l’impression de tristesse et même de détresse, Grunsweigh a surtout été frappé par tant de menus efforts pour créer du joli, pour entourer d’arbres une façade de briques, blanche et rose, et même un mensonge de briques obtenu par de la couleur sur de la caillasse. Il a noté avec un soin épris les charmes de petits jardins, qui se continuent de murs en murs et semblent, par l’accumulation des frondaisons, se multiplier en grand parc dans l’horizon. Ses natures mortes sont curieuses, d’une ordonnance très précise, presque rectiligne animées par le sortilège de la couleur. C’est un artiste dont le vigoureux développement est incessant, l’évolution très franche, en dehors de la mode, et son art, qui se prouve à la galerie Pierre par les plus intéressantes réalisations, donne des promesses d’avenir. »⁶
Florent Fels, né Felsenberg, le 14 août 1891 à Paris est un journaliste et critique d’art français qui a également participé à la mise en lumière de l’œuvre de Nathan Grunsweigh qu’il définit comme un peintre de talent.⁷
En 1924, Florent Fels fait un rapport poétique de l’exposition personnelle de Grunsweigh à la Galerie Pierre dans la chronique artistique du journal « Les Nouvelles littéraires ». Le journaliste rapporte :
« Grunsweigh. Ses œuvres, fines et nuancées, représentent des rues de banlieue, des petits jardins des environs de Paris, de ces paysages où il semble que la Ville et la Campagne luttent pour une suprématie. C’est là qu’il vit, dans une petite maison, dans une triste rue. Le matin, les gens vont travailler à Paris et les rues sont vides ; le soir, les silhouettes rentrent par le train, et ça continue. Ça n’est pas gai. Mais Grunsweigh est un consciencieux, un homme simple, et parfois un gris léger, un joli gris argenté, luit comme un reflet de perle dans son œuvre mélancolique. »⁸
Le tableau n° 4, « Rue commerçante » réalisé en 1923 illustre bien les tableaux qu’évoque Florent Fels crées dans des harmonies de gris.
Parmis les critiques qui soutiennent l’œuvre de Grunsweigh nous pouvons également citer Louis Vauxcelles, Charensol ou encore Édouard Fonteyne.
Rue commerçante (réf. 4)
Expositions et Salons
Expositions personnelles :
Galerie Pierre, Paris⁹, 1924- 1925
Salle des fêtes du Vésinet, 1933¹⁰
Théâtre Antoine, Paris, 1939
Expositions collectives :
Manuel frères, Paris, 1923¹¹
Salons du cercle des israélites saloniciens de Paris, Paris, 1924¹²
Galerie de la Maison Blanc, 1925
Galerie Paquereau, 1929
Galerie de Margouliès et Schotte, 1929
Train Exposition des artistes, 1934¹³
Exposition Internationale des Arts et Techniques, 1937
Galerie Petit, 1924¹⁴
Salons Parisiens :
Le Nouveau Salon, 1923
Salon des Indépendants (participe de 1925 à 1927)
Salon d’Automne (participe de 1921 à 1945)
Salon des Tuileries (participe de 1923 à 1945)
Société de la Société Nationale des Beaux-Arts, (1922-1924)
Remerciements :
Nous remercions Mr. Jean-Paul Debeaupuis, membre de la Société d’Histoire du Vésinet l’identification du lieu représenté dans l’œuvre n° 8.
Mr. Didier Cahouet ainsi que Mr. Nusbaumer de l’association du Vieux Marly pour l’identification du lieu représenté (tableau n° 7).
Mr. Robat, président du groupe de recherches historique de Bougival pour l’identification du lieu représenté (tableau n° 12).
Biographie et textes par Élise Vignault.
Notes :
1. Autoportrait à la pipe, daté 1916.
2. Gustave Kahn, Mercure de France, 1 janvier 1925, p. 227-228.
3. JPZ, La Tribune juive, 2 mai 1924, n° 18, p. 196.
4. Gustave Kahn, Le Quotidien, 27 juin 1924, p. 4.
5. Gustave Kahn, Mercure de France, 15 juin 1926, p. 734.
6. Gustave Kahn, Mercure de France, 1 janvier 1925, p. 227-228.
7. Les nouvelles Littéraires 28 juin 1924 Florent Fels p.5.
8. Florent Fels, Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, 29 novembre 1924, p. 5.
9. Située au 13 rue Bonaparte à Paris (?- 10 décembre 1924)
10. Du 5 au 8 septembre 1933.
11. 47 rue Dumont – d’Urville (? – 24 octobre 1923)
12. 18 rue Lafayette (12 avril 1924- ?)
13. Expose l’œuvre « Petit coin du Vésinet » in JIM-E. SEVELLEC, La Dépêche de Brest, 8 juillet 1934, p.3.
14. Située au 13 rue Bonaparte, (28 novembre – 10 décembre 1924)